Le changement d’heure : Une réelle économie d’énergie ?
Introduction
Tic-Tac, tic-tac, tic-… Attendez, pause! Ça y est, nous avons changé à nouveau d’heure. Et avec le passage en heure d’été, la même rengaine : Est-ce que nous dormons une heure de plus ou une heure de moins ?!
Pourtant, la question à se poser devrait être : Est que je vais bien faire des économies ? Et si oui, combien ?
En effet, le changement d’heure est une pratique instaurée depuis des décennies, et dans de nombreux pays, dans le but de réaliser des économies d’énergie. Cette mesure, visant à maximiser l’utilisation de la lumière naturelle par l’ajustement de nos horloges, soulève cependant aujourd’hui des interrogations quant à son efficacité réelle.
Examinons cela ensemble. Plongeons dans l’histoire du changement d’heure et questionnons sa pertinence et ses supposés avantages en termes d’économie d’énergie.
Remontons le temps : les origines du changement d’heure
Le concept du changement d’heure remonte au début du XXe siècle. En 1916, l’Allemagne fut le premier pays à introduire cette mesure dans le but d’économiser du charbon pendant la Première Guerre mondiale. Par la suite, de nombreux autres pays ont suivi cet exemple, notamment la France en 1917.
À l’époque, la justification principale du changement d’heure était d’économiser de l’énergie en prolongeant les soirées ensoleillées pendant les mois d’été et les journées les plus longues. L’objectif : tirer parti de la lumière naturelle disponible en fin de journée. Cette pratique était également considérée comme un moyen de favoriser les activités de loisirs et de réduire les dépenses liées à l’éclairage artificiel, intérieur comme extérieur.
Après la Seconde Guerre mondiale, la France met fin à l’heure d’été. Mais le choc pétrolier de 1973 met en difficulté une France qui n’est pas encore dotée de son parc nucléaire actuel. Dépendante du pétrole, du gaz et du fioul, cette crise énergétique pousse le retour en 1975 du changement d’heure, moyen jugé comme capable de réduire les consommations énergétiques.
Bilan des économies, où en sommes nous ?
Malgré des décennies de pratique, les données récentes remettent en question les économies d’énergie réelles générées par le changement d’heure.
Premièrement, le potentiel d’économies paraît plus bas que depuis son instauration : l’éclairage artificielle peut se reposer désormais sur des systèmes énergétiquement plus efficaces et à basse consommation.
De plus, le changement en heure d’été s’accompagnerait d’une surconsommation pour de l’éclairage le matin, là où le besoin en lumière a été décalé, en parallèle des économies générées le soir. C’est notamment ce qu’indique une note de presse de l’ADEME sur le sujet, mettant toutefois en évidence des économies plus importantes que la surconsommation matinale. Les économies sont donc bien présentes, mais elles sont réduites.
Par ailleurs, cette même étude soulève la question des surconsommations et gains pour le chauffage et la climatisation, aussi impliqués par le passage en heure d’été. Si des économies semblent se dégager également pour ces usages, l’incertitude et les difficultés d’évaluation des impacts du changement d’heure sur ces usages persistent.
Et c’est justement ce point qui continue d’alimenter la controverse : plusieurs études internationales traitent de ce sujet, mais aucun consensus n’en ressort. Leurs résultats peuvent même diverger et conclure le contraire.
Face à ces contestations quant à l’efficacité réelle du changement d’heure pour économiser de l’énergie, nous vous proposons d’alimenter cette réflexion grâce à nos propres observations. Le principe de base se fonde sur la durée du jour et l’apport en luminosité naturelle pour réduire les consommations liées à l’éclairage artificielle, n’est-ce pas ? Bien, analysons alors l’impact sur l’éclairage publique !
Zoom sur l’éclairage publique : Qu’en est-il vraiment ?
Dans la section suivante, nous allons parler heatmap ! La heatmap, c’est un graphique qui se base sur un tapis de point et des nuances de couleur. Ici, nous avons notamment des graphiques présentant le niveau de consommation par heure de la journée sur l’axe des ordonnées (de minuit à 23h, de haut en bas), réparti par jour de la période d’étude (axe des abscisses). Plus la couleur tend vers le bleu, plus la consommation s’approche de 0 kWh ; et au contraire, plus c’est rouge, plus le niveau de consommation est élevé.
Les graphiques ci-dessous présentent ainsi la tendance des consommations horaires d’un éclairage publique sur une année complète. On remarque ainsi clairement que l’éclairage publique est désactivé en pleine nuit lorsqu’il n’y a plus de passage, pour faire des économies. Puis, qu’il est mis en route à partir d’une certaine heure le matin avant de s’arrêter dans la matinée lorsqu’il fait suffisamment jour. A l’inverse, le soir, lorsque l’obscurité est trop présente, l’éclairage s’active pour la soirée et le début de la nuit.
Vue statistique issue de AVOB MyEnergyManager
Sur la période « heure d’hiver », encadrée en noir sur le graphique ci-dessus, il y a au moins 1h d’allumage plein le matin, et 1h d’allumage plein le soir. En décalant d’1h pour se mettre en heure d’été sur cette période, l’impact est minime : les économies gagnées le soir sont perdues le matin. De même, lors du passage de l’heure d’été à l’heure d’hiver, les économies du matin sont contrebalancées par les consommations reportées le soir.
L’impact du changement d’heure est en revanche plus visible en été
Vue statistique issue de AVOB MyEnergyManager
Sur la période « heure d’été », pendant 40 jours (du 20 mai au 10 Juillet), l’éclairage n’est pas allumé entièrement pendant 1h le matin, mais entièrement pendant 1h le soir.
Si on passait en heure d’hiver à ce moment-là, on ajouterait 1h pleine le soir sans enlever 1h pleine le matin. Sur l’exemple ci-dessus (commune de 29 000 habitants), cela provoquerait une surconsommation de 13 MWh par an, sur 1 400 MWh de consommation pour l’éclairage public. Soit 1% environ de surconsommation, ou 2 500€. A l’échelle de la consommation totale de la collectivité, cela représenterait environ 0,3%.
Les enjeux contemporains du changement d’heure : entre contestations et alternatives d’économies d’énergie
Face à ces constats, il est normal de voir que le changement d’heure suscite des contestations croissantes. Les incertitudes quant aux économies réelles générées remettent en question la pertinence de maintenir cette pratique. Les résultats hétérogènes observés à l’échelle internationale alimentent également ces interrogations, avec des exemples de pays ayant abandonné la pratique sans impact significatif sur la consommation énergétique. Enfin, si des études et analyses révèlent bien des économies attribuées à cette mesure, nous sommes en droit de nous questionner sur l’efficacité de cette mesure, par rapport à ces autres implications (sociales, sur la santé et le sommeil, etc.).
Dans ce contexte, des alternatives au changement d’heure émergent. Des mesures axées sur l’efficacité énergétique tout au long de l’année, telles que l’utilisation de sources d’énergie renouvelable et l’amélioration des normes de construction, sont explorées. De plus, comme nous avons pu le voir plus haut, des actions de sobriété énergétique peuvent être poussées, comme l’extinction des usages lors de période d’inactivité.
Ces alternatives offrent des perspectives prometteuses pour réduire la consommation d’énergie de manière plus efficace et durable, sans recourir au changement d’heure.
Conclusion
En conclusion, le changement d’heure, bien qu’ancré dans les habitudes de nombreux pays depuis un siècle, suscite des questionnements quant à son efficacité réelle en matière d’économie d’énergie. Si nos observations tendent à justifier la génération de légères économies, ces observations n’éclairent qu’un aspect du problème mais n’englobent pas l’ensemble du problème énergétique (impact sur le chauffage, sur la climatisation, et autres usages énergétiques). De plus, cette justification ne valide pas pour autant l’efficacité de la mesure, confrontée aussi à d’autres problématiques sortant du domaine énergétique. Ce que ce débat permet de souligner, c’est surtout la nécessité de solutions complémentaires et alternatives pour répondre aux enjeux énergétiques contemporains de manière plus efficace et durable.