Black Friday : comment adopter une consommation responsable ?
L’histoire du Black Friday est désormais bien connue : celle d’une tradition américaine supplémentaire ayant traversé l’Atlantique pour prospérer en Europe. Si, aux Etats-Unis, la tradition veut que le vendredi suivant Thanksgiving soit une grande fête de la consommation depuis les années 1950, ce n’est qu’en 2010 que cette pratique se développe dans l’hexagone, et y trouve un certain succès à la faveur du développement des sites de e-commerce, alors en plein essor, avec Amazon en figure de proue. En 2020, les confinements successifs parachèvent l’implantation du Black Friday en France, la plupart des achats s’effectuant alors depuis chez soi, en ligne. Et à peu de choses près, cela tombe un mois avant Noël : l’occasion est trop belle pour ne pas se laisser tenter de « faire le plein » à prix (supposément) réduits.
Bien que l’inflation marque un ralentissement en cette fin d’année 2023, le vendredi 24 novembre et la semaine qui suit semblent être l’occasion pour les consommateurs de retrouver, temporairement et partiellement, un pouvoir d’achat qui s’érode. Cependant, ces prix attractifs résultent parfois de faux rabais, comme le relevait en 2022 l’association CLCV : certaines marques et sites de e-commerce relèvent leurs prix dans les semaines et mois précédent le Black Friday, dont la promotion affichée le jour-J se trouve alors n’être rien d’autre qu’un retour à la normale du prix. L’exemple ci-dessous illustre parfaitement ce mécanisme trompeur :
Evolution des prix d’un téléviseur d’une grande marque avant le Black Friday
Certains sites, comme LeDénicheur indiquent systématiquement l’évolution des prix sur les derniers mois, et permettent d’identifier les vraies promotions des fausses.
Jouant sur l’impulsivité des consommateurs lors des jours de soldes et de leur crainte de ruptures de stock sur les produits phares, les sites de e-commerce sont donc les grands gagnants de ce désormais célèbre vendredi, avec près de 400 millions d’euros de chiffre d’affaires réalisé en 2022 au cours de cette seule journée. Au détriment des consommateurs, et de l’environnement.
D’autres études montrent par ailleurs que les véritables économies réalisées par les consommateurs ne seraient en fait que de 2%…
Un impact écologique connu et évitable
Intéressons-nous à l’impact écologique des produits que les Français prévoient d’acheter le plus lors du Black Friday, à savoir les accessoires de mode (68% des consommateurs) et les équipements électroniques (66%). En ce qui concerne les premiers, il est de notoriété publique que le secteur du textile est l’un de ceux qui émettent le plus de CO2 : la mode émet 1,2 milliards de tonnes de gaz à effet de serre chaque année, soit davantage que les vols internationaux et le trafic maritime réunis. On opposera à ce discours culpabilisant qu’il faut bien se vêtir. Certes, mais de là à acheter 60% de vêtements de plus qu’il y a 15 ans tout en les gardant deux fois moins longtemps, est-ce vraiment bien nécessaire ? Pour ralentir la cadence, il peut être intéressant de donner la priorité aux achats de seconde main, ou bien tout simplement de se poser la question de la réelle nécessité de tel ou tel achat, sous prétexte de soldes exceptionnelles.
Le raisonnement est le même pour les équipements high-tech, dont les ventes s’envolent lors du Black Friday. Questionnons là-encore la nécessité de chaque achat, sachant que sur les 99 équipements électriques ou électroniques possédés en moyenne par chaque Français, 6 d’entre eux ne sont jamais utilisés !
Pourquoi ne pas prendre le contre-pied total des tendances de consommations de ce vendredi, et acheter (en librairie) un bon livre à la place ? Nous vous suggérons par exemple Réparer le futur : du numérique à l’écologie, de la très pédagogue Inès Leonarduzzi, fondatrice et présidente de Digital for the Planet. Elle y développe les externalités négatives dues à la surabondance du numérique dans nos vies, tant sur les plans cognitif et social qu’environnemental, tout en proposant des axes pour réduire ces impacts, sans pour autant nier l’importance de la tech dans le développement de nos sociétés.
Les coûts cachés du Black Friday
Cette surconsommation soudaine présente des coûts environnementaux cachés, peu mis en avant lorsqu’on évoque les dérives du Black Friday. Il s’agit, d’une part, des émissions générées par le transport : la hausse des commandes en ligne entraîne fatalement une hausse du trafic routier du fait des livraisons dites jusqu’au dernier kilomètre (à savoir à domicile). A tel point qu’aujourd’hui, 20% de l’empreinte carbone d’un produit provient de sa distribution. A Paris, le nombre de colis livrés quotidiennement est de 200 000 : il atteint 2,5 millions en période de Black Friday !
L’on peut également se questionner sur le mode livraison choisi : ai-je vraiment besoin de ce produit pour demain ? Ou bien cela ne pourrait-il pas attendre quelques jours, sans pénaliser ni mon confort ni mon existence. Il faudrait également que les sites marchands affichent l’impact carbone des différents modes de livraison, ce qui est encore malheureusement trop rarement le cas.
Une consommation responsable et positive !
A l’approche des fêtes et dans un contexte de hausse des prix, on peut comprendre qu’un bon nombre de nos concitoyens cherchent à effectuer leurs achats lors du Black Friday. Pour essayer de sortir de cette spirale, pourquoi ne pas changer d’angle de vue et adopter quelques bons gestes ?
Nous vous proposons donc de prendre le contrepied du Black Friday, et de vivre l’expérience du Green Friday, comme le propose le mouvement éponyme. Idéalement, abordez cette journée comme une occasion de questionner vos envies d’achats : sont-ils absolument nécessaires ? Ne peuvent-ils pas être différés ? Auriez-vous acheté cet article si ce n’était pas le Black Friday ? Si vous répondez par l’affirmative à cette dernière question, tentez de favoriser les achats d’occasion, directement en boutique dans la mesure du possible afin d’éviter toutes les conséquences néfastes des commandes en ligne, et pourquoi pas, de privilégier les commerces locaux. Dans le cas où le recours au e-commerce serait inévitable, pensez qu’eBay refuse, pour la deuxième année consécutive, de participer au Black Friday, et propose des sélections 100% de seconde main et reconditionnées à cette occasion. Une belle prise de position.
Enfin, le gouvernement a mis en place un bonus réparation pour les produits électriques et électroniques, pour les textiles et pour les chaussures. D’autres produits devraient suivre.
Et l’ADEME propose également quelques pistes pour changer nos habitudes.
Accélérons ensemble dans la transition écologique !
Sources :
- https://www.ecommercemag.fr/Thematique/green-1346/rse-2324/Breves/Comme-en-2022-eBay-ne-participera-pas-au-Black-Friday-386390.htm?utm_source=lessentiel_17_11_2023&utm_medium=email&utm_campaign=newsletter
- https://www.envie.org/green-friday/
- https://reporterre.net/Lors-du-Black-Friday-2-5-millions-de-colis-livres-chaque-jour-dans-Paris
- https://presse.ademe.fr/wp-content/uploads/2020/11/HAVAS_ADEME_infopresseBlack_FRIDAY.pdf
- https://www.lesechos.fr/partenaires/salesforce/black-friday-le-jour-ou-la-consommation-tutoie-lepique-1366882
- https://www.economiedenergie.fr/impact-ecologique-black-friday/#:~:text=Partout%20dans%20le%20monde%20et,fin%20de%20l’ann%C3%A9e%20derni%C3%A8re
- https://www.insee.fr/fr/statistiques/7676463#:~:text=Sur%20un%20an%2C%20l’indice,%2C1%20%25%20le%20mois%20pr%C3%A9c%C3%A9dent.
- https://www.clubic.com/pro/actualite-e-business/actualite-447306-ebay-dit-non-au-black-friday-mais-pourquoi.html
- https://www.insee.fr/fr/statistiques/7676463#:~:text=Sur%20un%20an%2C%20l’indice,%2C1%20%25%20le%20mois%20pr%C3%A9c%C3%A9dent.
- https://fr.statista.com/infographie/31297/intentions-achat-francais-black-friday-par-categories-de-produits/#:~:text=En%20cinq%20ans%2C%20le%20chiffre,Worldpanel%20publi%C3%A9s%20par%20Le%20Figaro.